Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Il est une habitude bien ancrée du critique littéraire de dire : “Ah que ce nouveau livre est mauvais ! Ah que cette sortie littéraire n’est qu’un ballon crevé de médiocrité !”. Rien ne serait plus faux d’en déduire que rien de ce qui est contemporain n’est valable, car le premier livre de Paul Serey, Le Carrousel des ombres, mérite des éloges.
Dans ce livre un narrateur alterne allers-retours dans ses souvenirs et l’histoire du baron Ungern, qui le poussa à retrouver ses traces en Russie. En fait, il serait plus exact de dire que le narrateur est hanté par la figure du Baron Ungern, mais aussi à un degré moindre par celles d’Achab, de Corto Maltese ou de Thelenious Monk. Autant de figures marquées par le tragique et le sacré. Ainsi le voyage du narrateur n’a rien d’un récit ethnographique, ni d’une fuite de l’ennui et de l’étiolement de son âme par l’exotisme, mais est bien une initiation à la condition tragique de l’homme, au langage, et à la folie. Ainsi nous voilà bien plus près des romans de jeunesse de Malraux que d’un Pierre Loti. Hélas, la construction de l’ouvrage pèche : les dernières pages suivant la rencontre avec le Baron Ungern paraissent en trop, l’attaque du roman est un peu poussive, les pièces mettent du temps à s’imbriquer. Le déroulement du récit peine à apparaître clairement à l’esprit.
Cependant ce livre nous met face à la question de savoir ce qu’est la folie d’une telle écriture et du narrateur comparée à la folie de notre société ? L’individu atomisé semble bien en peine de conclure ses rencontres, à commencer par la rencontre amoureuse, et incapable de regarder en face la Vérité qu’il découvre avec Ungern. La Vérité n’est ni belle ni acceptable, ni même libératrice, quand on s’y confronte, mais au moins nous est-il laissé la possibilité de faire résonner une voix.