Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Un livre du colonel Michel Goya est toujours un plaisir, et de même pour ses articles sur son blog “la voix de l’épée”. Son dernier livre n’échappe pas à la règle, bien qu’on soit de plain pied dans des sujets qu’il a déjà abondamment traités : stratégies françaises durant la guerre d’Algérie, guerres imaginaires et guerres menés par l’US Army, et la question transversale de la capacité d’adaptation des armées. En effet ce dernier livre se présente comme une synthèse retraçant aux XIXe et XXe siècles les évolutions de différentes armées en temps de paix et durant les conflits (armée prussienne, armée française entre 1914 et 1918, Royal Navy ou encore la question de la guerre froide et du feu nucléaire). Chacun de ces chapitres avait déjà fait l’objet d’articles dans La voie de l’épée, qui sont ici renforcés. Mais l’essentiel n’est peut-être pas tant dans ces exposés que dans la conclusion. Dans celle-ci l’auteur, s’appuyant sur les analyses menées précédemment, tente de tirer des règles générales sur la manière de mener une évolution réussie des armées afin qu’elle s’adapte correctement à l’ennemi à vaincre. Le colonel Michel Goya fait œuvre d’empirisme organisateur.
Et son livre nous ouvre des horizons vastes comme les prairies car sa thèse principale est que la capacité d’adaptation d’une organisation face à une situation n’est pas due à un haut commandement “éclairé” mais à un cycle dont le point de départ et d’arrivée est la « Pratique ». L’adaptation est un chaos organisé à travers lequel on distingue les initiatives intéressantes et que l’on arrive à imposer à la base avec son consentement. Cette conceptualisation de Michel Goya sape donc le mythe du haut commandement comme entité autocrate dont chaque geste est oint de vérité et emplie de haute sagesse. Si l’on était taquin, l’on serait tenté de mettre de côté la conception clausewitzienne de la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens, et l’on serait tenté de s’interroger sur le bien-fondé d’un gouvernement à la pensée complexe, qui saurait tout mieux que tout le monde et qui refuserait d’écouter la base ou d’opérer des changements avec son acceptation. Il y a dans cette histoire militaire une leçon sur le fonctionnement des organisations soumises à des situations paroxystiques qui nous paraît fructueuse sur le plan politique.
Michel Goya, S’adapter pour vaincre. Comment les Armées évoluent. Perrin, 2019