Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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L’Église nous paraît aujourd’hui vivre une période confuse et bouillonnante où tout semble remis en cause. Au point que les esprits logiques ont voulu trancher ce qui paraissait être une insupportable contradiction : comment concilier le fait que le dogme paraisse nié et que ce soit l’Église elle-même, par la voix du pape, qui promulgue et enseigne cette négation ? Leur conclusion fut que le pape n’était point pape, partant que le siège de Pierre était vacant : c’est le sédévacantisme. Précisons tout de suite que l’auteur de cette recension n’entend ni prendre parti sur la question dogmatique (sur aucune des questions qui ont surgi et surgissent encore) ni sur celle de l’autorité, les deux sujets excédant largement ses connaissances et sa capacité, et qu’il considère, à sa petite mesure, que le pape est pape parce que c’est plus simple et que le reste est déjà bien assez compliqué. Mais alors, pourquoi rendre compte de l’ouvrage de Maxence Hecquard, La crise de l’autorité dans l’Église ? Parce qu’il comporte au moins deux conclusions remarquables. Outre son argumentation serrée (on pourra apprécier l’inventivité quasi-poétique avec laquelle, de manière purement intellectuelle et pour le plaisir de la spéculation, ou par angoisse chrétienne, les exégètes, docteurs et juristes ont coupé les cheveux en quatre et en seize pour imaginer, par exemple, que « l’éventuelle hérésie d’un cardinal ne saurait l’empêcher d’être élevé à la dignité pontificale puisque l’Église dispose que toute excommunication est suspendue à l’entrée du conclave »), qui reprend de manière pédagogique tout le dossier (encore une fois, je n’entends pas juger du fond mais de la manière dont l’argumentation est menée) et permet de prendre connaissance de l’intégralité des thèses sur le sujet – et permet donc, au passage, de voir que la question de l’infaillibilité pontificale est très ancienne, car nos temps ne sont pas plus troublés qu’ils n’ont pu déjà l’être et que les chrétiens, qui savent que leur hiérarchie est humaine, ont depuis longtemps examiné la chose –, Maxence Hecquard aboutit à une première conclusion qu’on pourrait ainsi résumer : l’infaillibilité pontificale est très étendue. Ce qui est surprenant, sans être incongru, car tous les traditionalistes, par respect, par prudence, par crainte du développement logique de leurs idées, ont tendance à restreindre outre-mesure cette infaillibilité – là où les catholiques ordinaires lui donnent de confiance, en effet, une extension large et vague, et là, surtout, où les partisans avertis du pape en exercice (quel qu’il soit) ont eux aussi tendance à sacraliser la parole du pape, quelles qu’en soient les conditions, pour disqualifier ses contradicteurs. Bref, en sa première conclusion prudentielle, le sédévacantiste Maxence Hecquard rencontre Alessandro Gisotti, vice-directeur éditorial du Dicastère pour la communication regroupant les médias du Vatican, et la manière dont il rend compte du pontificat. Chacun appréciera la rencontre et ce qu’elle suggère. Sa deuxième conclusion, qui occupe le dernier quart du livre, est une méditation eschatologique sur l’abîme qu’il contemple : une Église sans pape ; une monstruosité théologique. Oui mais annoncée. Les prophéties abondent sur le thème de l’abomination de la désolation dont parle Daniel, le mystère d’iniquité de saint Paul. On ne peut pas résumer ici l’élucidation à laquelle se livre l’auteur (où la démocratie est assimilée à la bête de l’Apocalypse qui sort de la terre), son actualisation des prophéties – qui est une vieille tradition –, mais sa conclusion est nette : c’est Dieu lui-même qui nous sauvera puisqu’Il l’a promis. Cette partie prophétique n’est pas moins logique que celles qui précèdent, même si on peut trouver surprenant de mobiliser ce qui n’est pas du tout du même ordre raisonnable pour prolonger une démonstration presque juridique. Là encore, tout l’intérêt est justement l’exercice exégétique auquel se livre l’auteur qui ne veut pas laisser son lecteur, ni lui-même, face à la première conclusion et, animé par un vrai sens de l’Église, cherche en l’Église elle-même le moyen de résoudre la contradiction. C’est peut-être là le meilleur profit qu’on puisse retirer du livre : si les progressistes ne répugnent pas à soutenir en même temps deux choses contraires, les traditionalistes cherchent toujours dans la raison le chemin le plus assuré pour atteindre Dieu.