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PERSISTANCE DES HABSBOURG

L’Union européenne est le socle des ambitions impériales renouvelées des Habsbourg. Une ironique confirmation de l’impérialisme consubstantiel au projet fédéraliste, ou la renaissance d’une MittelEuropa tout à la fois démocratique et chrétienne ?

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PERSISTANCE DES HABSBOURG

L’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine, prochain président du parlement européen ? Cette proposition des plus incongrues a été faite dernièrement par le mouvement monarchiste Koruna Česká (Couronne Tchèque). Et si elle n’a pas été suivie d’effets, le principal concerné n’ayant pas daigné faire acte de candidature aux dernières élections européennes, elle montre cependant à quel point le nom de cette maison impériale est indissociable de l’avenir de l’Europe dont les Habsbourg-Lorraine entendent être les champions aujourd’hui. À la tête du mouvement paneuropéen autrichien, le prétendant à la double couronne austro-hongroise pourrait bientôt jouer un rôle politique non négligeable qui lui permettrait de remettre sa famille au centre de l’échiquier politique. Les Habsbourg, une solution pour l’Europe… orientale et centrale ?

Un Européiste fervent…

Austriae est imperare orbi universo ! (La destinée de l’Autriche est de diriger le monde entier). La devise de cette maison impériale qu’un certain Talleyrand avait averti de « ne jamais détruire car elle était le rempart de l’Europe » raisonne encore dans toutes les têtes. Saint–Empire romain germanique, empire autrichien puis austro-hongrois, son ambition hégémonique a fini pourtant par se consumer dans les brasiers des révolutions de 1918. Hongrie, République Tchèque, Slovaquie, Bosnie-Herzégovine ou encore Croatie, l’aigle bicéphale que l’on croyait décapitée avec la fin de la première guerre mondiale semble revenir en force. Ancien député européen conservateur entre 1996 et 1999, l’archiduc Karl est le fils d’un prince qui a joué, enfant, sur les genoux de François-Joseph Ier. Otto de Habsbourg-Lorraine s’est consacré toute sa vie à la construction de l’Europe jusqu’à son retrait des affaires politiques en 2004, à l’âge de 92 ans. Une vocation sacerdotale qu’il a transmise à son fils aîné qui entend désormais apporter sa pierre à l’édifice de la construction européenne, ce géant aux pieds d’argile. D’ailleurs, lors d’un discours prononcé en juin dernier à l’université de Vienne à l’occasion du Hayek Tage 2019, il a de nouveau plaidé pour l’unité de l’Europe et son idée fondamentale, à savoir « la création d’un espace commun de liberté, de sécurité et d’un état de droit ».

L’archiduc est sur tous les fronts politiques, ne cessant de commenter l’actualité ou prenant position, notamment contre la Russie de Vladimir Poutine dont il voit l’ingérence comme un cheval de Troie au sein de l’Europe. Il s’est réjoui que « l’Europe ait échappé à la vague nationaliste lors du dernier scrutin électoral européen », une idéologie responsable, selon lui, des deux guerres mondiales. Et après avoir fondé de larges espoirs sur le président Emmanuel Macron, qu’il juge désormais « incapable de répondre aux attentes des Français », il émet de fortes réserves sur « cette volonté de la France à s’imposer au sein de l’Europe ». « Toutes les tentatives de relance de l’axe franco-allemand sont vouées à l’échec. Cela ne mobiliserait que des forces opposées » n’hésite pas à avertir l’archiduc qui ne cache pas qu’il s’inquiète de la popularité dont bénéficie le Rassemblement national dans l’Hexagone et de la crise engendrée par le Brexit.

… ou le partisan d’un nouvel empire ?

À lire ou écouter le prétendant au trône, seule sa maison peut faire office d’alternative crédible et de rempart aux extrêmes de tous bords qui prônent le protectionnisme ou l’isolationnisme. Quitte à penser à une tout autre Europe : « Les empires supranationaux d’Alexandre le Grand à la monarchie des Habsbourg étaient des exemples d’États inclusifs. Ils ont tendance à être plus tolérants, ce qui laissait plus de libertés au différentes nations qui la composaient » martèle l’archiduc qui semble proposer une autre voie. Une idée qui ne déplaît pas à la plupart des pays du bloc de Visegrad, Y compris en Autriche où les monarchistes plaident pour la création d’une confédération danubienne, vague fac-similé de ce que fut l’empire austro-hongrois du temps de sa gloire passée. Avec les Habsbourgs, qui bénéficient d’un regain de popularité ? Difficile de passer à côté tant la presse internationale leur consacre régulièrement des articles, que feignent d’ignorer leurs confrères français. La Hongrie a largement réhabilité sa dynastie royale en plaçant les membres de cette famille à des postes clefs ; la Bosnie a invité récemment le frère du prétendant à venir inaugurer une exposition sur l’attentat de Sarajevo ; même l’Italie redécouvre doucement son passé impérial. Et la liste pourrait être allongée.

Habituellement réservé, le prince s’est progressivement mué en véritable homme d’État, se plaçant dans les pas de son père, s’attirant les foudres des partis de la gauche et des Verts autrichiens et n’hésitant pas à critiquer Bruxelles quand il le faut. Il a sévèrement jugé la gestion des migrants par le parlement européen et, a contrario, a plaidé pour plus d’adhésions à l’Europe des pays issus de l’ancien bloc soviétique et pour la mise en place de cette subsidiarité dont il est un partisan convaincu. Rappelant qu’en 2003 on avait promis l’intégration à une dizaine d’entre eux, Karl de Habsbourg-Lorraine regrette que cela ait été « relégué au second plan » des préoccupations européennes, créant « un vide dans lequel d’autres puissances ont pénétré ». Comme ces « wahhabites saoudiens, qui non seulement financent des mosquées dans la région, mais achètent également des villages entiers en Bosnie-Herzégovine », cite en exemple le prince qui entend également remettre au premier plan les principes chrétiens de l’idée européenne dont il se fait le porte-parole assumé. Un combat qui fédère tous les Habsbourg-Lorraine reçus au Vatican en 2016. « L’Europe centrale n’est pas un concept d’État-nation. Au contraire, il est basé sur les régions, sur l’idée impériale, qui n’a rien à voir avec un empire, mais représente un ordre supranational » surenchérit le prince qui demande aux institutions européennes de se réformer rapidement et de faire leur mea culpa. « Nous ne devrions plus perdre de temps car il y a encore des pays très importants qui devraient faire partie d’une Europe unie » a déclaré, il y a peu le prince Karl, devant ses partisans réunis à Zagreb, au cœur de cette Croatie catholique.

Selon le prétendant au trône, Bruxelles devrait plutôt « se concentrer sur des domaines qui revêtent une importance véritablement européenne, des domaines qui ne peuvent pas être délégués. Une Europe des régions, même transfrontalières, pourrait reprendre certaines de ces compétences » gérées par le parlement. « L’Europe […], c’est la paix ! » n’a pas hésité à déclarer Karl de Habsbourg-Lorraine au Tiroler Tages Zeitung. Un prince qui se veut « un éternel optimiste » vis-à-vis de cette construction européenne qu’il appelle ouvertement à soutenir et dont on pourrait bien finir par lui proposer de prendre la tête. Un jour !

Par Frederic de Natal

 

Illustration : Le prince, éternel optimiste, place ses espoirs dans l’Union Européenne.

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