Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Walter Mehring, qui naquit à Berlin en 1896, écrivit en 1934 un livre d’une ironie féroce sur le peuple allemand, où il ressort que les Müller sont éminemment allemands à proportion qu’ils sont emportés par leurs appétits, brutaux, lâches, âpres au gain et souvent dépouillés, et serviles. Le roman est un bijou. Avec un sérieux imperturbable, le prétendu historiographe accumule les matériaux pour décrire la longue dynastie des Müller, depuis le soldat Millesius de la 16e légion, qui fréquenta Tacite, jusqu’à Günther Silbermann, qui finit professeur d’histoire dans une école primaire de la RDA dans les années 60 (car l’auteur, qui échappa à la Gestapo, ajouta un appendice quand son livre fut réédité). En gros, les Müller sont piteux depuis la plus haute antiquité. « Ce sont les êtres moyens, les médiocres, ceux qui sont nés soumis, qui se sont reproduits pour servir de cobayes à toutes les passions et humeurs, toutes les scélératesses et à toutes les folies des seigneurs de chaque époque. » Avec un malin plaisir, Mehring revisite toutes les époques allemandes, toutes les hautes figures, toutes les luttes, à travers le prisme grotesque des Müller, qui croisent en permanence les juifs d’Europe, au moins aussi anciens qu’eux. La manière dont la famille est ruinée, défaite, humiliée en permanence transforme l’épopée allemande dont rêve Hitler en farce puisque les Müller se sentent allemands jusqu’à la moelle et exaltent leur race qui apparaît, pourtant, être un ramassis de demeurés soumis. Les Müller – Une dynastie allemande a la saveur des plaisanteries d’outre-Rhin, bien charpentées et longuement mûries, et les divagations hitlériennes achèvent de transformer ce pamphlet en horrible farce tragique, sans que le roman en pâtisse, dans ses tours et détours érudits et narquois.