Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Situé à moins de 30 minutes en transports en commun du centre de Paris, le titanesque centre commercial est une suite logique aux élucubrations des édiles de Paris et d’Île-de-France. Europacity est l’exemple type d’un travail d’élus soumis aux puissants acteurs de la vie économique et servant une politique à court terme. « Une fuite en avant qui n’a aucun sens », explique Nicolas Dupont-Aignan, l’un des rares hommes politiques à s’opposer fermement à ce projet qui symbolise selon lui les dérives d’une nouvelle société de consommation.
L’histoire commence en 2017 quand le conseil municipal de Gonesse valide le plan local d’urbanisme (PLU) d’une zone agricole du Val d’Oise, vaste étendue de 250 hectares. S’ensuit un projet de bétonnage portant le nom peu vendeur d’Europacity, d’une ampleur sans précédent, qui devrait donner vie à un vaste centre culturo-commercial. Unique en son genre, voire au monde ! s’enthousiasment ses défenseurs. Avec notamment, 230 000 mètres carrés d’espace commercial, 50 000 mètres carrés dédiés aux offres culturelles et un parc de loisirs, dont des pistes de ski, déployé sur 150 000 mètres carrés, le tout devant s’implanter sur les 80 hectares du « Triangle de Gonesse » – où s’étendent les dernières terres agricoles particulièrement fertiles d’Île-de-France, coincées entre les aéroports de Roissy, du Bourget, l’autoroute A1 et la D 317. Terres, propriété de l’État et, pour ainsi dire, sacrifiées par les élus du pays.
Une bataille juridique s’engage alors à l’initiative des opposants et associations de sauvegarde de l’environnement. D’aucuns auraient pu croire la lutte perdue d’avance, au regard des trois milliards envisagés dans la réalisation du projet par ses promoteurs, le groupe Auchan et le conglomérat chinois Wanda, qui font valoir que le mégacomplexe commercial, culturel et sportif attirera près de 30 millions de visiteurs par an. Que nenni ! Il se pourrait que pour cette fois le fragile pot de terre fasse vaciller le géant pot de fer. En effet, le 12 mars dernier, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le PLU, estimant que la commune de Gonesse, son maire socialiste Jean-Pierre Blazy en tête, avait « commis une erreur manifeste d’appréciation en classant en zone à urbaniser 248 hectares de terres agricoles ». « Cette urbanisation concerne des terres particulièrement fertiles, alors que les bénéfices escomptés, notamment en termes de créations d’emplois, invoqués par la commune de Gonesse, ne sont pas établis ». Tribunal dixit et affaire à suivre, puisque le maire de Gonesse a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette décision qui porte un coup à la création de son parc géant.
Le tribunal avait été saisi par des opposants au projet Europacity, parmi lesquels des associations de défense de l’environnement mais aussi par des commerçants tels que ceux du centre commercial voisin Aéroville. C’est une nouvelle manche qu’ils remportent suite à l’annulation de l’arrêté préfectoral de création de la ZAC du triangle de Gonesse. C’est donc la deuxième fois que la justice donne raison aux opposants. D’autres recours doivent être jugés, notamment contre la délivrance par le préfet du permis de construire pour la gare de la ligne 17-Nord.
Car si le PLU a été annulé, on a autorisé la construction de la gare Triangle-de-Gonesse du futur métro du Grand Paris Express. Dans ce projet, les contradictions sont nombreuses. Selon l’avocat des associations, Etienne Ambroselli, tout est fait pour l’urbanisation irréversible de ces terres agricoles. « Cette gare au milieu des champs, c’est un peu le cheval de Troie pour construire autour », explique-t-il. Si les travaux sont entamés, le collectif pour la protection du Triangle de Gonesse envisage une résistance forte et déterminée. Bernard Loup, président du collectif, somme l’État de renoncer à cette urbanisation.
Un pôle d’excellence de l’agroécologie périurbaine est envisagé par des acteurs locaux qui proposent de transformer ces terres du Val d’Oise en zone de production maraîchère, céréalière et d’élevage de qualité. Un chemin vers une agriculture raisonnable tournant le dos à l’exploitation intensive de ces terres d’Île-de-France qui a cours depuis des décennies. Réactiver les circuits courts pour fournir les habitants des alentours en nourriture saine est une bonne idée qui s’inscrit dans l’air du temps. Face à Europacity, ce sont deux mondes qui s’affrontent. D’un côté, des personnes soucieuses de l’avenir de l’environnement, des gens qui croient encore aux bienfaits de la terre, à l’image de ces courageuses associations de Gonesse. De l’autre, des progressistes d’un nouveau genre, hors sol. À l’image de cet architecte Danois, Bjarke Ingels, partie prenante dans l’affaire, qui rêve d’installer sur la planète Mars une ville de 177 000 m², le tout en partenariat avec les Émirats arabes unis. Les défenseurs de ce monde en marche s’appuient sur un hypothétique homme nouveau, homme de demain en devenir qui serait une sorte d’homo festivus à la Muray, rêvant devant des biens de consommations inaccessibles. Le projet Europacity verra-t-il le jour ? L’affaire est à suivre de près en relisant les fables de Jean de La Fontaine qui, lui, reste intemporel.
Illustrations : Entouré d’élus locaux, Nicolas Dupont-Aignan au milieu des champs du Triangle de Gonesse le 19 février 2019. Maire de Yerres jusqu’en 2017 et candidat aux élections européennes, Nicolas Dupont-Aignan explique à Politique Magazine son point de vue sur le projet Europacity:
Ce projet est un non sens économique, car à court terme, c’est la disparition de près de 8000 emplois liés aux commerces existants qui est à prévoir. C’est aussi un non-sens écologique et social. Terres prospères sacrifiées, vision de l’homme de demain considéré comme un consommateur, rien de plus.