Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

André Tardieu, républicain malheureux

Facebook Twitter Email Imprimer

André Tardieu, républicain malheureux

Les actions « valeurs de la République » ont un cours erratique. À chaque crise, leur cote s’envole et les observateurs taisent leurs soupçons ; chacun sait bien que la bulle ne repose sur rien de concret. D’autant plus que les créateurs du titre finirent eux-mêmes par maudire leur société.

Ainsi en alla de la vie d’André Tardieu, enfant de la grande bourgeoisie catholique parisienne, trois fois président du Conseil, amant jaloux et contempteur de la IIIe République depuis Menton, où il finit, entre citrons et remords.

Dreyfusard, Tardieu commença sa carrière dans le cabinet de Pierre Waldeck-Rousseau. Mais c’est dans le journalisme qu’il trouva sa passion et son occupation la plus stable. Il ne manqua jamais d’un certain panache, traversa la guerre aux côtés du maréchal Foch, dans une admiration qui ne le quitta jamais. Fidèle en amitié et allergique à la maçonnerie, il ne comprit que trop tard qu’il n’était pas fait pour la politique, du moins celle de la IIIe République. L’excellente plume de Maxime Tandonnet résume la chose : « Tardieu a-t-il jamais connu le bonheur en politique ? Etait-il fait pour le métier de député et de ministre ? Ses lettres à ses proches laissent penser le contraire. »

Ministre des Travaux publics de Raymond Poincaré en 1927, puis ministre de l’Intérieur, il se fit deux ennemis : les loges à qui il avait subtilisé la place Bauveau et les communistes dont il réprima les soulèvements. Il devint tout de même président du Conseil par deux fois en 1929 puis en 1930 et souffrira d’un revers politique lorsque radicaux et socialistes lui refusèrent le passage d’une loi sur l’outillage national. Il sera renversé sur fond de scandale Oustric. Revenu à la présidence du Conseil en février 1932, il finança les ligues antiparlementaires, notamment celle du colonel de la Rocque, avec lequel il finit brouillé.

« Reflet d’un écœurement extrême », il s’exila à Menton en décembre 1934. La victoire du Front populaire le catastropha et expliqua beaucoup de sa collaboration à Gringoire jusqu’à 1939, année des accords de Munich dont il fut un critique acerbe à la différence de sa rédaction. Certes, Blum revint à la charge en 1938 en quémandant son retour au nom de l’unité nationale. Mais « il est désormais persuadé que la IIIe République est un régime moribond qui ne permettra plus jamais de gouverner le pays ». Il mourut le 15 septembre 1945. Il était revenu à la foi. Et Maxime Tandonnet d’expliquer son oubli national : « prince de l’anticonformisme poussé à son paroxysme, peut-il intéresser une époque qui étouffe sous le couvercle du conformisme ? »

Par Charles du Geai

 

Maxime Tandonnet, André Tardieu, l’incompris. Perrin, 2019, 400 p., 23,50 €.

Henry Lewis Stimson, Secrétaire d’État des USA et André Tardieu, en 1930 lors de la conférence sur le désarmement.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés