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L’essai du mois. L’histoire des hommes racontée à travers celle du sel

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L’essai du mois. L’histoire des hommes racontée à travers celle du sel

Le sel. De l’esclavage à la mondialisation est une façon surprenante d’appréhender l’histoire, celle du sel, bien sûr, et de ses lieux de production, mais aussi et surtout celle des hommes. C’est sur le chemin de ces histoires entremêlées que nous conduit l’universitaire, directeur de recherche au CNRS, ayant enseigné à la Sorbonne et à Venise, l’historien du sel et de Venise aux époques médiévales et modernes, Jean-Louis Hocquet, dans un essai toujours intéressant, souvent étonnant. Nous le savons sans le savoir, ou plutôt sans plus guère faire attention : le sel est intrinsèquement partie prenante de nos existences, au quotidien. Il jouait déjà un rôle fondamental à l’époque préhistorique :

L’homme de la préhistoire, avant même d’avoir inventé l’écriture, apprit à extraire le sel du sous-sol ou d’eaux salées par des procédés d’une grande ingéniosité qui ont laissé de multiples vestiges archéologiques sur tous les continents et, aujourd’hui encore, les archéologies observent comment des tribus indigènes parviennent à fabriquer du sel selon des procédés à la fois empiriques et extrêmement savants, pour tenter d’éclaircir et de comprendre les multiples techniques mises en œuvre à la fin du Néolithique et à l’âge du Bronze.

Il est vrai que le sel est naturellement abondant et qu’il a toujours joué un rôle essentiel dans toutes les cultures humaines : il donne du goût et pimente la nourriture, permet de conserver les aliments, apparaissant par exemple comme un facteur fondamental du progrès de l’alimentation entre autres sur le continent européen, la conservation par le biais du sel permettant de suppléer aux mauvaises récoltes ou du moins de faire la soudure. D’où l’importance du rapport à la Gabelle, l’impôt sur le sel, une fois celui-ci mis en place par les États : en cas de forte crise, la question du sel donné ou fiscalement imposé devenait un facteur de troubles car cette question posait alors celle de l’alimentation du foyer et de la communauté villageoise.

S’il est abondant et unique, le sel est cependant enfoui dans le sol ou en dissolution dans la mer. C’est pourquoi les hommes ont toujours fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour l’extraire, suivant trois techniques fondamentales : la fabrication et la récolte agricole des sels marins, l’extraction minière du sel et le creusement industriel de puits en plaine. Où trouve-t-on ce sel ? Comment est-il produit et transporté, échangé ? Quel est son rôle social ? Comment s’organisent les exploitations selon les époques ? Autant de questions auxquelles cette histoire du sel des origines à l’époque contemporaine répond en dix études nous menant de Cracovie au littoral méditerranéen, des sables du Sahara à la Hanse ou aux côtes du Pays-Bas.

L’on découvrira le lien entre routes du sel et routes de l’esclavage, ainsi que les salins d’Aigues-Mortes et le rôle de la féodalité, celui du Rhône, l’importance de Venise, tant en ce qui concerne la production que la commercialisation, la place des forçats mais aussi la manière dont l’industrie salinière s’est modernisée et est entrée dans la mondialisation, ou plutôt a été parmi les premières industries mondialisées tandis que les revenus du sel étaient inégalement répartis, au détriment des sauniers. Dès la fin du Moyen-Age, les flottes des puissances maritimes du nord de l’Europe naviguent sur les mers et les océans en quête du précieux produit. C’est que le sel est stratégique pour les communautés humaines, y compris dans le cadre du travail agricole et d’élevage : pour l’auteur, « il a rendu les plus grands services à l’humanité comme conservateur des aliments et comme tel il est probablement un des principaux agents du développement et de l’expansion économique et démographique de l’Europe au Moyen-Age ». Il n’est pas nécessaire de partager cette thèse de passionné du sujet pour apprendre beaucoup de cet ouvrage.

Par Matthieu Baumier

 

Jean-Claude Hocquet, Le sel. De l’esclavage à la mondialisation,
CNRS éditions, 2018, 328 pages, 25 €

 

 

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