Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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« Les romanciers catholiques jouissent par rapport à leurs collègues athées […] de l’inestimable privilège de compter parmi leurs personnages deux des êtres les plus intéressants et les plus fertiles en inventions de la Création : le Créateur en personne et son ennemi juré, Satan. » Gérard Joulié a décidé de consacrer sa vie à la littérature, surtout anglaise, surtout s’il s’agit d’humour intelligent, voire d’intelligence tout court. Comment dire ? La France lui doit Saki et Chesterton. Des bâtisseurs d’empires ont laissé des traces moins fécondes. Son essai sur Chesterton est une joie car il abonde en aphorismes, en envolées, en affirmations péremptoires mais, en fait, lentement distillées. C’est une charge furieuse, sabre au clair, contre notre époque, le progrès, nos chimères contemporaines, c’est une succession d’idées brillantes, de saillies délicieusement amères et d’emportements généreux, c’est un panorama de la littérature anglaise, c’est un éloge du paysan, du militaire, du chrétien et de l’homme du peuple ; c’est donc en partie, un vade-mecum pour notre temps. En partie car si on sent Joulié happé par son modèle, cet énorme Anglais qui est « un révolutionnaire, un patriote et un chrétien perpétuellement insurgé » (et Joulié aussi s’insurge contre l’époque, même si un Luna Park, employé comme comparaison, trahit le fait qu’il ne lui appartient pas tout-à-fait), il n’est pas vraiment, comme son héros « un homme qui vit avec son peuple dans l’attente d’événements incommensurables, et qui en toutes choses voit de l’incommensurable. » Il ne vit pas avec son peuple car il lui semble que ce qui faisait le sel de la vie de Chesterton, et qui se résume en deux mots : de vrais adversaires, a disparu. « Où sont aujourd’hui les traîtres, les convertis, les conspirateurs ? Où sont les âmes romanesques, les capes et les épées ? […] Où le héros, où le poète ? » Tout s’est affadi et le texte de Joulié est coloré d’une vraie tristesse. « Il n’y a plus de victoire ni même de défaite possible. » C’est là qu’il s’éloigne de son guide, qui se serait ébroué avec bonheur dans une époque aussi abracadabrante que la nôtre. Chesterton ou la quête excentrique du centre est un éloge courageux car désabusé de la fantaisie, de la vitalité, de la foi chestertoniennes. Joulié n’y croit plus, il désespère, tout pour lui n’est plus que cendres grises et molles et si son écriture est furieuse, on sent qu’il a l’impression de se battre contre des fumées impalpables et étouffantes. Son essai glisse peu à peu au testament spirituel et intellectuel, et à l’inquiétude métaphysique : il a traduit Chesterton, cette boussole pour aujourd’hui, n’était-ce pas en vain ? Non. Il faut lire ce testament pour relire Chesterton mais il faut affirmer, très tranquillement, que Chesterton est d’une actualité évidente. Il y a encore des traîtres et des épées, le diable et le bon Dieu, il y a des combats et des combattants. n PM